Alors que la crise financière continue de sévir et que le nombre d’organisations à but non lucratif continue néanmoins d’augmenter dans un grand nombre de pays, savoir si et comment certaines organisations devraient maintenir ou non leur existence sont devenues deux questions tout à fait centrales. Quand est-ce qu’une fusion se trouve être la solution la plus efficace et/ou la plus éthique? Quand est-ce qu’une organisation doit fermer ses portes? Quand est-ce que cette troisième option contractuelle que constituent les alliances et les partenariats (par opposition à la restructuration institutionnelle) s’avère-t-elle la plus efficace? Comme nous le verrons ci-dessous, ces questions doivent être intégrées de façon continue à la supervision de toutes les organisations, y compris des plus performantes d’entre elles.

Entrer dans le détail de chacune de ces options serait trop long, et trop spécifiques aux organisations, pour faire l’objet d’un blog. Néanmoins, un message-clef s’impose : une telle analyse constitue tout autant une question d’éthique et d’accountability, qu’elle renvoie à des considérations d’ordres stratégique, opérationnel, et même humain et émotionnel. Le point de départ de la réflexion des organisations, et leur préoccupation éthique sous-jacente, devrait être l’acquittement le plus efficace et le plus éthique de leur mission vis-à-vis de leurs bénéficiaires et de l’utilisation des fonds des donateurs – et non pas l’existence de l’organisation même ni celle de ses programmes, et ce quel que soit le contexte. Les questions figurant ci-dessous ont pour but de vous aider à vous concentrer sur cette préoccupation fondamentale.

Avez-vous clairement positionné votre organisation vis-à-vis de la concurrence d’une part, et des opportunités qui se présentent à elle d’autre part?

Répondre à ces questions sous-jacentes et vitales pour l’organisation suppose de prendre continuellement en compte la concurrence et les opportunités présentes dans votre secteur et votre région. Votre travail redouble-t-il celui d’une autre organisation? Si oui, comparez le type et la qualité des services offerts, l’efficacité de l’une et l’autre organisation, le retour des bénéficiaires dans chaque cas, comparez enfin tous les autres indicateurs existants, ainsi que les ressources financières des deux organisations. Une fusion vous permettrait-elle de réaliser des économies d’échelle ou de saisir d’autres opportunités qui soient à même d’améliorer la performance de votre mission? Aboutirait-elle à une augmentation des ressources financières? Que serait-il perdu de votre organisation si vous mettiez la clef sous la porte en laissant l’organisation concurrente perdurer, quitte éventuellement à lui transférer certaines de vos ressources? Ne pas perdre la concurrence de vue, développer des idées pour combler certains fossés ou saisir des opportunités, devrait faire continuellement partie de vos prises de décisions en matière de planning stratégique. (Bien entendu, la qualité et l’efficacité de votre travail, de même que les considérations humaines et financières qui y sont liées, doivent être évaluées régulièrement pour elles-mêmes, indépendamment de la concurrence et des opportunités).

Quelles sont les complémentarités potentielles avec le travail d’autres organisations? Votre travail complète-t-il le travail d’une autre organisation de telle façon qu’une fusion avec cette autre organisation puisse optimiser la réalisation de votre mission ? Si toutefois se trouvent de bonnes raisons pour que les deux organisations restent indépendantes, un partenariat ou une alliance vous permettrait-il, tout en restant indépendants,  de gagner en force dans l’exécution de votre mission et dans la résistance aux menaces potentielles que constitueraient une concurrence et des fusions moins efficaces ?

Le travail de votre organisation a-t-il perdu de sa pertinence? Ce peut être une bonne chose. De nombreuses organisations ont l’ambition louable de s’extraire d’elles-mêmes du milieu (comme par exemple, l’Institute of Cancer Research, basé à Londres), auquel cas le besoin ou la mission peuvent être considérés comme remplis. Cependant, le fait que votre organisation ait perdu sa pertinence, ou qu’elle perde petit à petit en pertinence, peut aussi résulter d’une confrontation difficile, comme par exemple dans les cas de concurrence, de diminution des ressources, de changement de priorités, d’incapacité à satisfaire les besoins des bénéficiaires – ou de plaintes des bénéficiaires auxquelles on ne peut apporter de réponses – ou encore d’un changement de réglementation. L’organisation peut-elle se mesurer à ces problèmes? Ou bien l’organisation a-t-telle pour obligation morale d’envisager de fermer ses portes avant de dilapider ses ressources financières et de créer des perturbations personnelles et professionnelles pour les employés et les bénéficiaires?

Une crise signale-t-elle la fin… ou un renouveau? Une période de crise – touchant la gestion, l’orientation stratégique, les revenus, ou la livraison des services – n’est pas nécessairement le signe que l’on doit fusionner ou mettre la clef sous la porte. Analysez la situation attentivement. Les crises peuvent constituer une opportunité pour changer de stratégie, pour réduire sa taille, ou bien pour procéder aux ajustements nécessaires afin de s’assurer un avenir plus solide. Elles peuvent aussi, cependant, signaler un nécessaire arrêt de l’activité.

Prendre en compte la dimension humaine. Tout changement majeur dans l’organisation doit être conduit avec une sensibilité aigüe touchant la dimension individuelle et collective de ce changement, et avec pour perspective de minimiser l’impact professionnel et personnel qui en découle. Cela peut impliquer d’assister ses employés dans leur recherche d’un nouvel emploi, ou bien de leur apporter d’autres formes de soutien. A l’inverse, il n’est souhaitable pour personne (qu’il s’agisse des employés, des volontaires, des bénéficiaires, du public, ou des administrateurs) de maintenir l’existence d’une organisation ou une configuration structurelle particulière au-delà d’un certain espace de temps déterminant les cadres d’une action efficace et éthique.

20/20 Foresight. Comme toujours sur ce blog, le 20/20 foresight est un élément sous-jacent aux problèmes évoqués. Demandez-vous ce que vous voudriez être capable d’annoncer que vous avez dit, fait et décidé aujourd’hui en adoptant un regard rétrospectif de six mois, un an, trois à cinq ans, et même dix ans. Comment prévenir la réaction type : “A quoi ont-ils bien pu songer?” Une fois de plus, ajoutez toujours à la considération des aspects financiers, opérationnels et financiers de l’organisation, celle des implications sur la mission et des conséquences éthiques, légales, et humaines du processus.

Dirigeants et management. Dans bien des circonstances, une fusion ou une fermeture ne reflète pas l’échec des dirigeants et/ou de l’équipe de management. Dans tous les cas de figure, c’est une opportunité pour opérer des corrections et aller de l’avant. Les dirigeants, en en perdant jamais de vue leurs responsabilités de superviseurs, en optimisant toujours le service aux bénéficiaires compte tenu de la mission de l’organisation, et en assurant l’intendance correcte des fonds des donateurs, doivent prendre des décisions difficiles, montrer qu’ils ont une véritable vision de l’organisation, et faire preuve d’une éthique hautement responsable dans leur comportement. Parfois, la fermeture d’une organisation est le signe d’un grand succès, même si elle résulte initialement de problèmes survenus. Parfois, une fusion est le chemin de la croissance, indépendamment de l’entité qui survit. Toute situation peut être une opportunité pour les dirigeants d’adopter un comportement éthique, responsable, et first in class. La clef est toujours d’aller de l’avant de façon positive, et non de regarder en arrière en s’adressant des reproches.

Communication. La communication sera clef, à l’interne comme à l’externe, à l’occasion de tout changement dans l’organisation. Ceci fera l’objet d’un blog distinct.

L’éthique de la fin ou de la ténacité est, à nouveau, une question qui se pose de façon continue pour toutes les organisations, et non pas seulement pour celles qui sont au bord de la crise.

Comme à l’accoutumée, commentaires, questions, et candidatures clients sont les bienvenus.

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