Dans un article publié le 7 Juin 2011 dans le Financial Times (Watching the executives), Alicia Clegg souligne les efforts que les entreprises accomplissent pour se conformer toujours mieux aux réglementations en vigueur et pour améliorer leur image, par l’engagement de responsables de l’éthique. Les problèmes sont identiques dans les organisations à but non lucratif, à ceci près que le budget nécessaire à la création d’un tel poste y est presque toujours manquant. Avec tout le respect dû à l’excellence et aux efforts dont témoigne, de façon générale, le secteur à but non lucratif, force est de reconnaître que l’intégration, à tous les niveaux, de politiques et de pratiques éthiques rigoureuses aux points de vue culturel et organisationnel, fait également bien souvent défaut.

Les organisations à but non lucratif devraient concentrer leur attention sur les fonctions inhérentes au poste de responsable de l’éthique – quitte à répartir celles-ci dans l’organisation, si la création d’un tel poste est financièrement impossible , ou si elle n’est pas souhaitable au point de vue institutionnel. Même si l’organisation fait la place à un poste de responsable de l’éthique, c’est néanmoins dans toute l’organisation que doivent filtrer les politiques-clefs et les processus qui découlent de ce poste ; et dans le cas où il n’existe pas de tel poste, les organisations devraient cependant être maintenues – et se maintenir – au même degré d’exigence. Parmi les quelques domaines cruciaux qui doivent bénéficier de la plus scrupuleuse attention, on compte les suivants :

Les relations publiques : Utiliser la prospective 20/20 (“20/20 Foresight”) plutôt qu’une simple mise en ordre. Comme le fait remarquer Alicia Clegg, bien souvent les nominations de haut niveau, rendues ostensiblement publiques, d’un responsable de l’éthique (ou même la refonte des politiques et des pratiques éthiques internes) sont décidées afin d’envoyer un message selon lequel les méthodes de l’organisation ont changé. Certes, il est important de reconnaître les problèmes et les échecs, et de faire preuve d’accountability dans la façon de les prendre en charge, aussi bien pour des raisons internes substantielles qu’en termes de Relations Publiques. Cependant ce besoin se trouve être de plus en plus de nature préventive, plutôt que consécutif à un scandale. Le thème de la prospective 20/20 (« 20/20 foresight ») auquel je m’attache tout au long de ces blogs est peut-être des plus importants dans ce domaine. Pensez à ce que vous voudriez être à même de dire dans six mois, deux ans, cinq ans, de ce que vous avez fait aujourd’hui, en cas de survenance d’un dilemme éthique ou d’une crise.

Le champ d’application : Loi vs Pratique. La réglementation est le plus petit dénominateur commun. Nous attendons tous, de la part de toutes les organisations à but non lucratif, et même des plus petites d’entre elles, qu’à tout le moins elles respectent la loi, et s’enquièrent auprès d’experts dans ce domaine qu’elles le font bel et bien. De fait, les rôles-clefs des responsables de l’éthique (ou des comités, des groupes de discussion ou des individus portant ce type de responsabilité), en plus du respect des lois, devraient être :

  • Le développement de politiques et de pratiques par-delà ce que la loi exige
  • La considération des meilleures pratiques internationales, sans prise en compte de la juridiction de l’organisation et/ou de l’exécution de la mission – à la fois pour prendre connaissance des meilleures idées développées en la matière, et pour rester au plus haut niveau possible en termes de principes globaux
  • La mise en place de mécanismes justes et efficaces… suivie du renforcement de ces mêmes mécanismes
  • Assurer une communication claire et régulière sur les politiques et pratiques de l’organisation, en interne comme à l’externe
  • Faire de la réflexion éthique une habitude institutionnelle, dans tous les domaines de prise de décision et de comportement

Le Rôle Du Conseil d’Administration. Le conseil d’administration devrait être l’ultime décisionnaire, individuel ou collectif. Quelle que soit la taille de l’organisation, le conseil d’administration devrait revoir régulièrement les politiques à tous les niveaux, de la signature des chèques et le défraiement des dépenses, aux pratiques de collecte de fonds et la régularisation des impôts. Olivia Clegg prend le risque de demander, « Que faire si un membre senior de l’équipe de management commet une transgression ? ». Là encore, le conseil d’administration est responsable de la supervision du Directeur Général, y compris de ses politiques et pratiques vis-à-vis de l’équipe senior de management. Les organisations spécialisées devraient aussi faire la place à un responsable de leur spécialité – ou bien, à nouveau, à tout le moins répartir les fonctions qu’aurait ce dernier – pour superviser, par exemple, l’éthique médicale ou les soins aux personnes âgées, ou encore tout autre type de service très spécialisé. Subtilités. La sécurité est affaire de subtilité. L’entretien privé d’un collecteur de fonds avec un donateur individuel pourrait générer des pressions ou engendrer un phénomène de manipulation, d’une façon telle qu’elle ne corresponde à aucune directive spécifique, ou reste invisible à toute autorité, à l’exception du responsable de l’éthique. Des cas de harcèlement sexuel peuvent ouvrir le champ à l’emploi de mots déplacés qu’il est difficile de repérer, de prouver, et qui de fait s’aggrave. Les organisations devraient rester créatives dans leur gestion des subtilités à tous les niveaux : aux niveaux du Conseil d’Administration, de l’équipe de management, des employés, des volontaires, et même, à l’extérieur, au niveau des pourvoyeurs de services tels que les agences de collectes de fonds et les gestionnaires de données.

Codes de Déontologie. Bien des excellentes pratiques des organisations à but non lucratif ne relèvent théoriquement d’aucune obligation. Je recommande régulièrement l’utilisation de codes de déontologie dans mon propre travail, souvent adapté aux besoins de l’organisation. Des organisations telles que l’Independent Sector aux Etats-Unis, NCVO au Royaume-Uni, le Comité de la Charte en France propose d’excellents modèles. Tels quels, ceux-ci ne sont généralement pas légalement exigibles. Ils devraient cependant être insérés dans les contrats d’embauche ou bien, à tout le moins, liés à l’évaluation de la performance. Prise de Décision et Ténacité. Les organisations à but non lucratif devraient être particulièrement vigilantes du point de vue des implications éthiques présentes et futures (même involontaires) de leurs décisions (par exemple, les problèmes institutionnels tels que l’élargissement de leur mission ou les réformes structurelles), compte tenu des bénéficiaires visés par leurs services. Les principes déontologiques de l’organisation devraient être intégrés dans la culture et la façon de travailler au quotidien, y compris via le rôle de modèles que doivent jouer les membres de l’équipe de management. D’après mon expérience, la ténacité de la supervision éthique relève tout autant du réflexe consistant à se poser des questions de déontologie à tous les niveaux de l’organisation, que du fait d’avoir mis en place des politiques concrètes. La déontologie ne relève pas, et ne relèvera jamais, de la seule présence d’un responsable ou d’une armée de responsables de l’éthique, même si la présence de responsables de l’éthique pourrait se révéler appropriée dans certains cas, aussi bien dans le contexte du secteur à but non lucratif que dans celui du secteur à but lucratif. La déontologie est un engagement institutionnel et individuel, de la part de chacun des membres de la communauté d’une organisation à but non lucratif, d’être soi-même responsable. Accessoirement, cela concerne aussi les donateurs… ce sera l’objet d’un prochain blog. Comme toujours, vos commentaires sont les bienvenus.

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