Des articles récents nous rappellent que, venant s’ajouter à des comportements systématiques non-éthiques (dictateurs africains détournant l’argent du pétrole, réseaux d’évasion fiscale), certains points de pression plus spécifiques donnent naissance à des défis éthiques considérables, et contagieux. Que ce soit le fait de déclarer ses revenus trimestriels à 23h59 lorsque le contrat de vente ne sera pas signé avant 8 heures le lendemain matin, si toutefois il l’est en effet, que par faiblesse on procède à des virements bancaires impliquant l’Iran lorsque ceux-ci sont interdits par la loi Américaine ou celle d’un autre pays, ou qu’on ne réagisse pas assez vigoureusement à la menace du gouvernement d’annuler des privilèges commerciaux à moins que ne soit divulgué le solde d’un compte en banque suisse, les points de pression comme ceux-là devraient être un élément-clef de la supervision éthique pour tout conseil d’administration, toute équipe de management sénior.On compte, parmi les points de pression, des situations, des structures, des relations ou des évènements qui imposent une pression particulière sur les décisions éthiques, et qui le plus souvent induisent une priorité organisationnelle majeure qui apparaît alors comme en conflit avec la décision éthique. Certains de ces points de pression sont sporadiques, d’autres continus. Le conflit n’est que rarement un vrai conflit. Le plus souvent, la priorité institutionnelle sera de toutes façons perdante si une mauvaise décision éthique est prise, tout au moins sur le moyen à long terme.

Souvent, des concepts éthiques qui semblent parfaitement raisonnables sur le papier ou dans les discussions du conseil d’administration, sont voués à l’échec quand ils sont mis en pratique sous la pression. La supervision éthique s’arrête fréquemment à des mécanismes de niveau macro, comme les codes de déontologie, ou les conférences téléphoniques ou révisions annuelles. Les politiques, les infrastructures, les mécanismes de gestion du risque, les éléments de culture éthique, toutes ces précautions d’ordre général, sont essentielles mais insuffisantes dans le monde d’aujourd’hui sans une gestion des points de pression, et ce quel que soit le type d’organisation – commercial, à but non lucratif, ou gouvernemental. On peut s’entraîner à des prises de décision importantes en matière d’éthique exercées sous la pression, et par là-même les faire devenir réflexes, à l’échelle individuelle comme à celle de l’organisation.

Les points de pression tombent sous plusieurs catégories générales, mais sont très variables entre eux.

Evènements se produisant régulièrement : lors de la validation des revenus ; dans les salles de marché ; dans les départements juridiques qu’on met sous pression pour leur faire approuver des pratiques légèrement irrégulières, des provisions aux contrats, ou des exceptions à certaines règles ; managers imposant à des individus ou des équipes une pression liée à la performance ; sur les responsables de la collecte de fonds des organismes à but non lucratif, lorsque ces fonds se raréfient ; une muraille de Chine comportant des points faibles (par exemple, l’étrange exception consistant à isoler les levées de fonds des admissions à une Université ou le soin d’un patient de la levée de fonds dans un hôpital)

périodes de transformation organisationnelle majeure : les fusions ou les acquisitions ; une réduction de taille ; introduction de domaines de services complexes (VIH/SIDA pour une organisation humanitaire, ou une nouvelle ligne de produits avec d’éventuelles conséquences en termes de gestion du secret industriel pour une entreprise technologique) ; des réaménagements significatifs de l’équipe de management sénior ; ou même plusieurs personnes-clefs en congé maladie ou maternité au même moment

facteurs extérieurs échappant au contrôle de l’organisation : la crise financière ; les catastrophes naturelles ; un feu au siège de l’organisation ; une enquête (même si celle-ci n’est qu’une enquête régulière)

défis occasionnels : problème de sécurité avec un produit-clef ; grève ou autre problème lié aux employés ; donation exceptionnelle à une organisation universitaire ou à but non lucratif, pour des besoins urgents de financement relatifs à un programme particulier, conjointe à quelques interrogations quant à certaines conditions inappropriées imposées par le donateur, ou quant aux affaires personnelles de celui-ci

difficultés personnelles : des personnes au comportement habituellement irréprochable, qui finissent par mal agir lorsqu’elles sont incapables de faire face à une maladie, à une pression pesant sur leurs finances personnelles, à un divorce, ou à d’autres problèmes personnelles (par exemple, un cas de fraude d’écriture de chèques, commis par une assistante après dix ans de bons et loyaux services, parce que les factures afférentes au traitement du cancer de son mari outrepassent les capacités financières du couple)

pression relative à la réputation : une pression (ou des menaces claires) de la part de consommateurs ou de donateurs ; des menaces implicites de la part d’entrepreneurs sur les investisseurs en capital-risque, dont ils peuvent écorner la réputation, arguant qu’il est difficile de travailler avec eux et qu’il faut par conséquent éviter de le faire s’ils exigent une supervision éthique exigeante ; une culture globale de la peur

Créateurs d’opportunités. Certains points de pression, de même que, selon mon opinion, la plupart des problèmes éthiques, offrent des opportunités. Lorsqu’ils sont gérés correctement, ils appellent l’attention des organisations, avant qu’un problème n’arrive, sur le renfort dynamique de leurs faiblesses ou sur la façon de réduire la pression. Ils induisent également une nouvelle strate de supervision éthique, qui met en rapport la réalité d’une part avec, d’autre part, des politiques et des pratiques plus vastes que celle-ci, en interne ou à l’externe. Vous trouverez ci-dessous des suggestions pour atténuer les risques liés aux points de pression, ou pour prendre cette « profonde respiration », nécessaire prise de recul par rapport à la pression, et réajuster la perspective éthique adoptée pour déterminer les réactions à avoir.

Premièrement : identifiez les points de pression à l’intérieur de votre propre organisation, à la fois aux sessions régulières de planning et de révision de l’éthique/gouvernance/performance, et à la fois de façon continue, comme un processus intégré à la culture de l’organisation. La vigilance requiert une conscience quotidienne à tous les niveaux de l’organisation.

Deuxièmement : examinez de front et de façon dynamique les points potentiellement risqués quand ils surgissent – avant que les symptômes ou la maladie n’empirent. La réduction des points de pression devrait être une pratique constamment insérée dans la gestion du risque. S’il y a, en fin de trimestre, des problèmes relatifs à l’enregistrement des revenus, ou à celui de dons pour un organisme à but non lucratif, clarifiez (par écrit et lors des réunions) les règles à suivre et les pratiques à observer, et préparez un ensemble de scénarios extrêmes. Indiquez ce qui doit être fait lorsque la situation sort des cadres fixés. Si le département juridique génère des interférences par des requêtes fréquentes d’exception aux pratiques contractuelles ou à d’autres règles, assurez-vous que toute personne dans l’organisation connaît le processus pour prendre celles-ci en compte. Renforcez dynamiquement les points faibles de la muraille de Chine, ou les zones de conflits potentielles, avec une tolérance « zéro » pour les exceptions. Ne laissez pas celles-ci ni aucun autre risque d’émergence de points de pression devenir la source d’un problème, ou même l’occasion pour les médias de réclamer un plus vaste traitement de l’éthique dans votre organisation. Un processus de double révision est d’une grande aide pour ce qui concerne les domaines sensibles, au-delà des solutions classiques, telles la double signature des chèques ou la double approbation des dépenses.

Troisièmement : réfléchissez et vérifiez avant d’agir. Lorsque vous êtes dans le doute, prenez le temps de vous arrêter et de réfléchir. Vérifiez la situation avec vos collèges, vos supérieurs, et/ou vos conseillers extérieurs. N’agissez pas avant d’avoir eu le temps nécessaire pour réfléchir et prendre conseil.

Quatrièmement : la discipline dans la prise de décision (qui devient une habitude au fil du temps) est essentielle. Vous demandez-vous rigoureusement avant toute décision : que sont en l’occurrence les principes moraux pertinents vis-à-vis de l’organisation et au point de vue personnel ? si vous possédez toutes les informations dont vous avez besoin pour prendre votre décision ? ce que sont les conséquences (présentes et à venir) de votre décision pour l’organisation et toutes ses parties prenantes ? Cela est plus aisé à dire qu’à faire. Les conséquences sur le long-terme sont particulièrement cruciales, car une mauvaise décision éthique prise aujourd’hui pourrait se répandre, ou créer d’autres points de pression, éventuellement même tout à fait sans rapport avec le risque initial.

Cinquièmement : ne négligez pas les petites éléments. Une bévue, une seule… les petits éléments conduisent petit à petit à des infractions toujours plus importantes. Concentrez-vous sur la qualité, non sur la quantité : une fraude est une fraude, qu’elle s’élève à 10 dollars ou à 10 millions de dollars. L’établissement d’une mauvaise relation, et d’une seule, compte déjà. La gestion de l’éthique ne requiert pas de modèle préétabli.

Sixièmement : soyez responsable de votre propre comportement, même si quelqu’un d’autre n’agit pas convenablement, parallèlement à votre action, ou en réponse à celle-ci.

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Traduction Virgile Deslandre